Après quelques années d’un assouplissement relatif des autorités chinoises, l’étau se resserre autour des géants du Web qui espéraient s’implanter durablement sur place. Derniers départs fracassants en date, Fortnite et LinkedIn. Mais pas seulement : l’économie d’Internet chinoise est dans le collimateur. Ce qui laisse Apple seule dans une Chine en pleine répression.
La Grande Muraille d’Internet
Le premier signal est envoyé par Google… en 2010. Prenant l’excuse d’une énième cyberattaque chinoise, le groupe se retire de l’Empire. Depuis 2006 existe un pare-feu informatique, surnommé le Great Firewall of China, en référence à la Grande Muraille, permet à Pékin de bloquer tout échange entre l’intérieur et l’extérieur.
Le pays se dote d’agences gouvernementales dédiées à Internet. En 2014, il crée l’Administration du cyberespace, qui devient le coeur du contrôle du Web chinois. Certains géants du Web n’ont jamais pu entrer le territoire, Meta en exemple majeur(Facebook, WhatsApp, Instagram, Messenger).
Les réussites chinoises en revanche sont nombreuses : WeChat, Weibo, Tencent, Huawei… Baidu est le moteur de recherche officiel. Les sites de commerce Alibaba et JD.com connaissent un succès mondial. Sans oublier TikTok, app incontournable. Le marché mondial se dualise.
Des sanctions pour garder le contrôle
Pékin semble accélérer sa présence sur Internet. Or la Chine comprend vite que cela représente une perte de souveraineté : les patrons du Web chinois sont tout-puissants, les influenceurs ont un retentissement mondial.
Début 2021, le milliardaire Jack Ma, fondateur d’Alibaba, critique les autorités de régulation financière. Les sanctions sont immédiates : il est convoqué, et l’introduction en bourse d’une filiale de son groupe est annulée.
Quelques mois plus tard, c’est au tour del’une des plus grandes stars du cinéma chinois, l’actrice Zhao Wei, de disparaître à son tour. Elle est même effacée du web. Ses réseaux sociaux sont supprimés. Ce n’est pas la seule à subir cela. L’actrice Fan Bingbing était réapparue après trois mois, en payant une amende de 111 millions d’euros.
« Ne plus chercher à faire des profits »
Car « nul ne peut s’élever au-dessus de l’état ». En août 2021, le gouvernement annonce un plan sur minimum cinq ans pour « réguler son économie ». Comprendre : contrôler les technologies modernes.
Alibaba paye une amende de 2,4 milliards d’euros pour « position dominante », Tencent doit rompre tous ses contrats avec des labels musicaux dans le monde. Les géants du web chinois ne doivent « plus chercher à faire des profits, ni a attirer les joueurs et les fans ». Désormais, montrer qu’on a de l’argent est dangereux.
Les crypromonnaies autres que l’e-yuan sont interdites.
Fin août 2021, la Chine interdit aux mineurs de jouer en ligne en-dehors d’un créneau horaire précis (20h à 21h, du vendredi au samedi et les jours fériés). Les autorités de « régulation » demandent à Tencent et à NetEase -créateur de jeux et app- de « restreindre le streaming et les jeux en ligne » pour les plus jeunes afin de reprendre le contrôle et d’éviter les abus inhérents aux tendances addictives et alienantes des réseaux et des jeux en ligne
Une loi contraignante
Depuis le 1er novembre, la loi de protection des informations personnelles (PIP) est effective, visant à gérer la façon dont les données sont collectées, utilisées et sauvegardées. Les sociétés installées en-dehors de la Chine doivent demander à chaque Chinois l’autorisation d’utiliser leurs données et leur faire signer un « contrat » rédigé par les autorités. En outre, ces entreprises doivent passer des évaluations par des officiels d’Etat avant d’envoyer quelque donnée que ce soit en-dehors du pays.
La loi PIP n’impacte pas que les étrangers. Pour les
Apple, tant qu’il y a de l’espoir!
Reste un géant, et pas des moindres : Apple.
Comme tous les autres, la firme à la pomme grignotée n’est pas exempt de contraintes, elle a accepté de supprimer plusieurs applications de son App Store local. Apple dépend de la Chine pour ses pièces détachées et l’assemblage de plusieurs de ses produits, ses boutiques ont rapporté 13 milliards d’euros ce dernier trimestre.
Après le départ des derniers géants étrangers, Apple, esseulée, pourrait donc être la prochaine cible du gouvernement de Xin Jinping. Bien que critiquée, l’entreprise renvoie vers ses pratiques concernant les droits des individus : elle s’aligne sur les lois du pays.
Serait-ce pour autant la « fin du game » pour les entreprises capitalistes »occidentales » ou, en tout cas, americaines? A qui le futur donnera t-il raison au regard des abus évidents actuels de nos chers lobbies industriels ou financiers?